« Fière d'être agent de santé » ; dans un contexte de pandémie mondiale, les sages-femmes au front pour assister les naissances

29 mai 2020

NIAMEY, Niger – Alors que la pandémie du COVID-19 continue d'exacerber de nombreuses inégalités dans le monde, les femmes et les filles comptent parmi ceux qui en paient le plus lourd tribut. Plus vulnérables face aux répercussions socio-économiques de la crise, elles sont également plus susceptibles de subir des abus domestiques, conséquences du confinement qui a fait émerger une « pandémie de l’ombre » marquée par la violence domestique dans beaucoup de pays. Comptant pour la majorité des personnes qui contribuent à enrayer le virus lui-même, les femmes représentent 70 pour cent des agents de santé dans le monde et un pourcentage encore plus élevé des professions liées aux soins qui nécessitent un contact avec les patients, comme les soins infirmiers et la profession de sage-femme.

A Niamey, la capitale du Niger, les cas enregistrés de violence basée sur le genre ont triplé entre Février et Avril selon l’ONG SOS Femmes et Enfants Victimes de Violence Familiale. 

A 25 ans Maryam*, s'est retrouvée en première ligne des deux pandémies lorsqu'elle a été victime de violence domestique après avoir contracté le COVID-19 dans le cadre de son travail de sage-femme. Elle nous livre son expérience. 

Maryam*, 25 ans, Sage-femme

« Je ne suis pas le visage habituel de la violence domestique. Je ne porte aucune trace d’abus physique, pas la moindre hématome.

Depuis 8 mois, je suis en stage comme sage-femme dans un hôpital de Niamey. En Avril, j’ai commencé à développer plusieurs symptômes liés au COVID-19 : fièvre, insomnies, manque d’appétit, courbatures et toux. J’avais été testée et trois jours plus tard, un appel téléphonique est venu confirmer le résultat. Solitude, tristesse et angoisse se sont bousculées en moi à l’annonce du diagnostique mais le plus dur a été de partager la nouvelle avec mon mari.

Être femme peut vous exposer à une violence invisible et inattendue. Mon mari a reçu mon annonce comme un électrochoc. Il a aussitôt, hurlé que je venais de signer son arrêt de mort car il était certain que mon virus l’avait aussi contaminé !

Une équipe médicale a été envoyée chez moi pour mon suivi immédiat mais avant même leur arrivée, mon mari avait exigé que je quitte la maison. Les médecins ont recommandé que je reste confinée à la maison.

Je les ai suppliés de parler à mon époux, pour qu’il accepte que je reste chez nous. Devant les médecins, il s’est montré conciliant mais sitôt après leur départ, il m’a dit « sors !».

« L’homme dont je partage la vie depuis cinq est soudain devenu un inconnu en colère et menaçant. » - Maryam*, 25 ans

Où aller ? Tout le monde dans le quartier était au courant de mon infection et je comprenais la peur de mes voisins, à qui il était difficile de m’accueillir. J’ai rappelé l’équipe médicale et l’hôpital a accepté de me garder durant mon traitement.

Pendant mon confinement et mon traitement à l’hôpital, je voyais mes collègues qui se battaient pour sauver des vies, j’étais fière d’être agent de santé et j’avais hâte de vite guérir pour retrouver mon travail. A 16 ans, j’ai assisté à l’accouchement à domicile de ma tante. Elle souffrait beaucoup et je ne pouvais rien faire. Depuis ce jour, j’ai décidé d’être sage-femme.

Après 24 jours de traitement et d’isolement, je vis chez une tante et j’ai retrouvé avec bonheur mon travail. Deux nuits de garde, deux permanences et onze accouchements assistés rien que durant ma semaine de reprise. A chaque naissance, je ressens toujours la même joie, l’émotion et la fierté de voir une maman et son bébé en bonne santé. Le soulagement d’une femme après les heures de souffrance et le premier cri de son bébé sont des moments uniques.

Être sage-femme vous oblige à être en contact direct avec la femme pour accueillir le bébé. Il nous est impossible d’appliquer et de respecter la distanciation sociale. Je suis à la frontière de la vie ; et c’est tout simplement magique !».

« Je suis à la frontière de la vie ; et c’est tout simplement magique ! ». - Maryam*, 25 ans

Soutenir le personnel de santé et les survivants de la violence au Niger

L'initiative Spotlight appuie la forte demande de travailleurs de la santé pour assurer la continuité des soins durant la pandémie, notamment pour les femmes enceintes. L'Initiative a contribué au déploiement de 150 médecins et deux sages-femmes bénévoles dans des établissements de santé à travers le pays, et 74 sages-femmes tutrices ont été mobilisés pour soutenir les consultations pré et post-natales, les accouchements à domicile et la sensibilisation des communautés.

Plus de 700 agents communautaires, dont des travailleurs sociaux, des chefs religieux et leaders traditionnels mènent des actions de sensibilisation auprès des communautés pour soutenir la protection des travailleurs de la santé. Ils encouragent notamment les personnes présentant de légers symptômes de COVID-19 à s'isoler chez elles si possible.

À Niamey, où sont concentrés de nombreux cas de COVID-19 et de violence domestique, grâce au soutien de l’Initiative Spotlight, les femmes en besoin d’assistance peuvent se confier et accéder à des conseils à travers des centres d’écoute gérés par les services sociaux et par l'ONG SOS Femme et Enfant Victimes de Violence Familiale.

*prénom modifié.
 

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