Sortir les filles haïtiennes de la violence sexuelle

A girl faces away from the camera out a window
Taina, another client of the NGO OFAVA, in Port-au-Prince, Haiti. Image: UNICEF/Joseph
21 mai 2024

PORT-AU-PRINCE, Haïti - Anaëlle* avait 11 ans lorsque le mari de sa tante commençait à abuser d’elle. Pour s’assurer que la fillette ne dise rien, l’homme menaçait de la tuer si elle le dénonce. Jusqu’à ce qu’elle trouve le courage d’en parler autour d’elle, le viol répété et régulier d’Anaëlle par cet oncle a duré cinq longues années.

Cultivateurs et petits commerçants établis dans le département de l’Artibonite, les parents d’Anaëlle n’avaient pas les moyens suffisants pour s’occuper de six enfants. Face aux promesses de meilleures conditions de vie pour leur fille, les deux parents ont accepté de laisser celle-ci partir avec la sœur du père en 2016.  

Mais à son arrivée chez sa tante à Port-au-Prince, Anaëlle est réduite en domestique à domicile par toute la famille censée la considérer comme un membre à part. Elle est maltraitée. Elle ne va pas à l’école. Et à chaque fois que le mari de sa tante se retrouve seul avec elle, il la viole. 

Que les mineures soient victimes d’agressions sexuelles est un cas courant en Haïti. En juillet 2021, le Porte-parole adjoint de la Police Nationale d’Haïti (PNH), Gary Desrosiers, a attiré l’attention sur l’augmentation des cas de viols sur mineures. En 21 jours, sept cas ont été répertoriés, selon l’inspecteur divisionnaire. Ce qui donne une moyenne d’une fille violée tous les trois jours. Et comme Anaëlle, certaines d’entre elles connaissent leurs agresseurs, qui pour la plupart sont de la famille ou habitent le même toit qu’elles. 

Une prise en charge difficile

Après avoir finalement trouvé la force de dénoncer son oncle cinq ans plus tard, Anaëlle est mise à la porte par sa tante. Le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des femmes a eu connaissance du cas d’Anaëlle grâce aux voisins qui l’ont contacté. L’institution étatique s’est à son tour dirigé vers l’OFAVA, une organisation féminine soutenue par l’Initiative Spotlight et qui accompagne les femmes et filles victimes de violence depuis mars 2004. 

Comme c’est souvent le cas après une agression sexuelle, Anaëlle a été dans un état de choc. « Lorsque nous l’avons recueillie dans notre centre d’hébergement, raconte la psychologue et présidente de l’OFAVA, Lamercie Pierre-Charles, Anaëlle est restée silencieuse deux semaines entières ». « Il a fallu établir une solide relation de confiance avec elle pour qu’enfin elle arrive à s’ouvrir et à parler de sa situation », ajoute Mme Pierre-Charles.   

Prête pour un meilleur lendemain

Pendant six mois, les spécialistes et différents groupes de soutien au niveau de l’OFAVA ont accompagné Anaëlle jusqu’à ce qu’elle arrive à surmonter cette étape de sa vie. Aujourd’hui Anaëlle a des amies et retrouve confiance en elle. 

« Je suis maintenant bien plus forte », dit-elle. « OFAVA m'a redonné confiance en moi. Je n’ai plus peur de parler. »

En outre, grâce au support de l’organisation féministe, Anaëlle a pu reprendre le chemin de l’école. En septembre prochain, la jeune femme entrera en classe de Nouveau secondaire III. « C’est le projet Spotlight, explique Mme Pierre-Charles, qui nous permet de scolariser les filles et aussi les enfants des femmes victimes de violence. » Avec l’Initiative Spotlight, OFAVA a déjà scolarisé 165 enfants. 

Après l’école secondaire, Anaëlle veut faire des études en agronomie. À force de participer aux activités de reboisement organisées par OFAVA notamment chaque 1er mai, la jeune fille a fini par se passionner de l’agriculture. Désormais son rêve est de contribuer un jour à la mise en œuvre d’une réelle politique agricole pour son pays.

 *Le nom n’est pas divulgué pour protéger l'identité de la survivante.

 

 

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