A Koulikoro, Aminata, une adolescente actrice du changement contre le mariage d’enfants
KOULIKORO, Mali - D’un pas déterminé, Aminata Fofana avance dans la cour et s'assoit sur une chaise. L'adolescente déverrouille son téléphone d’un mouvement de pouce sur l'écran et entame une discussion avec ses nouvelles amies du groupements d’adolescentes. Cette petite communauté permet aux jeunes filles mariées précocement de partager leur expérience et de se soutenir mutuellement.
Aminata, 17 ans, voit sa vie bouleversée par le décès de son père. Elle a été confiée à un oncle qui a pris la décision d'interrompre sa scolarisation. Cet oncle qui la considérait comme une bouche à nourrir de trop a également choisi de la marier de force dès l'âge de 13 ans.
L’adolescente s'est retrouvée précipitamment plongée dans un monde adulte, contrainte à un mariage imposé alors qu'elle était encore une enfant.
Sa voix tremble lorsqu’elle se remémore des souffrances qu'elle a endurées, des pleurs qu'elle a retenus et des rêves brisés.
« Je n’aimais pas cet homme »
raconte Aminata la voix tremblante, les larmes coulant de ses yeux.
« J’ai beaucoup souffert de ce mariage, j’ai même failli perdre la tête. Ça a été un mariage d’intérêt, car il était riche. Ce n’est pas l’homme qui est venu me demander en mariage. C’est plutôt mon oncle qui lui a proposé́ de me marier pour des raisons financières. J’ai refusé à plusieurs reprises de passer la nuit avec cet homme mais une tante m’a forcé à coucher avec cet homme qui est devenu mon mari par force. Je ne l’aimais pas du tout. Rien qu'à le voir, ma journée était gâchée d’avance. »
Le mariage d’enfants concerne généralement les filles, et est très élevé dans les regions de Sikasso, Kayes et Koulikoro, les zones d’intervention de l'Initiative Spotlight au Mali. Parmi les femmes âgées de 15-49 ans mariées, le pourcentage qui l’ont été avant l’âge de 15 ans est supérieur à la moyenne nationale de 16,1% en régions.
Aminata, une voix puissante
Le mariage d’enfants constitue un obstacle majeur aux perspectives d’avenir, à l'épanouissement personnel, et à la réussite scolaire des jeunes filles. Cette pratique néfaste pour les jeunes filles constitue une véritable violation de leurs droits les plus fondamentaux, et un frein à leur développement et épanouissement.
De plus, ces jeunes filles se retrouvent précipitées dans un univers d'adultes pour lequel elles ne sont pas préparées, étant encore des enfants. Cette double contrainte exerce sur elles une pression écrasante, entravant leur développement et limitant leurs opportunités d'avenir. Les conséquences du mariage d' enfants a des répercussions négatives sur la société, la main-d’œuvre et l’économie, et transgresse le droit des enfants. Les enfants ont droit à la santé, à l’éducation, à la protection contre l’exploitation et la violence.
L’Initiative Spotlight met en place des approches communautaires, y compris les groupements d' adolescentes pour la prévention des mariages d’enfants et la prise en charge d’enfants mariés. Cette approche inclut également la participation et l’implication des hommes afin d'éviter que les pères, les oncles ne forcent les adolescentes à se marier. Grâce à ce programme, 1,043 mariages de filles avant 18 ans et 1,787 cas de mutilations génitales féminines (MGF) ont été évités entre 2019 à 2023.
« Le Programme Initiative Spotlight m’a beaucoup écouté, et cela m’a aidé. Ils m’ont aidé, soutenu et m’ont permis de me relever. Aujourd’hui ça va, je suis contente d’avoir pu étudier et j’ai pu obtenir le Diplôme de fin d’Etude Fondamentale (DEF). Je suis satisfaite de ma performance », explique Aminata toute fière.
Aujourd’hui, à travers le Programme Initiative Spotlight, Aminata est devenue une voix puissante au sein de sa communauté. Elle sensibilise les parents et partage son parcours de vie avec les jeunes filles exposées au risque du mariage d’enfants dans la communauté. « Je suis une rescapée du mariage d’enfants. Je ne veux que personne entreprenne très vite le mariage. Le Programme Initiative Spotlight me permet de véhiculer mes idées et de sensibiliser ».
Publié par UNICEF.